mardi 21 juillet 2015

La chasse aux immortels - 1. La chasse

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1 - La Chasse

Photo by @Lila Frerichs


Cela fait des jours que les cadavres sont au milieu de la neige. J'espère que les loups ou les chiens qui se sont attaqués à ces carcasses ont emporté avec eux les livres que j'ai disposé sur quelques corps. Ce sera sûrement un animal dressé par un Immortel, à coup sûr. Au milieu des corps, un chariot rempli que les victimes auraient traînées avec elles. Une mise en scène savamment orchestrée pour ne pas éveiller les soupçons et susciter suffisamment d'intérêts pour un Immortel. Et moi, toujours dans le sens contraire au vent dans ce couloir olfactif. Même si je suis à plus d'un mile et que je peux aligner ma cible d'une balle dans la tête avec mon fusil de précision. Je dois redoubler de prudence. Ici, on chasse l'Immortel. Ils s'éteignent petits à petit mais les derniers ne se laisseront pas prendre facilement et vendront leurs peaux chèrement.

Je peux tirer leurs corps de 200 000 000 Bytes$ pièce, une fortune en plus de la prime de la Confédé-Nations . La plupart sont recherchés pour Crimes contre l'humanité. La durée de vie humaine aujourd'hui à été fixée selon l'amendement 28 à 150 années terrestres. Les dérogations d'extension sont rares. La cultures de souches étant trop énergivore par rapport au coût marginal d'année en plus d'un "Vioque".C'est comme ça qu'on appelle les Immortels entre chasseurs de prime. C'est devenu illégal d'entretenir ces vieilles carcasses. Les indiens et les chinois ont été les premiers à réfléchir au problème. Au début avant les purges, il y en avait qui avaient été entretenus depuis près de 6 siècles. Avec des biotechnologies toujours plus innovantes et la bioéthique qui n'était qu'à ses balbutiements. Il y a eu des abus dans la conservation vivante, des parents qui se retrouvaient mariés avec leurs petits-enfants. Des héritages qui disparaissaient, et même des Immortels qui dévoraient leurs familles de crainte qu'elles ne les tuent. Aujourd'hui l'Administration Centrale avait fiché l'ensemble des humains et des autorisés. Les non-autorisés qui avaient échappé aux purges et au fichage était systématiquement traqués. On leur donnait des noms de code : Bibliques, si c'était un immortel, un numéro accompagné d'un prénom si c'était un clone illégal, et pour les criminels de laboratoires c'était le nom du labo qui avait porté plainte. 

Je chassais Noé depuis près de cinq ans. Une vraie légende ! Il devait avoir près de 3 siècle. Il avait survécu à la Grande Purge et aucun chasseur vivant ne l'avait encore revu depuis le siècle dernier. Les derniers témoignages remontaient à plus de vingt ans que j'avais compilé pendant deux mois sur les réseaux. Je l'avais traqué sur 3 continents. Des alarmes de présence gaspillés sur au moins une quarantaine de sites, sans résultats. Des indics qui m'ont promené pendant des mois. Et là, je tenais enfin une piste. Près des villages en hautes montagnes avec une végétation dense et des routes qui disparaissaient en hiver, les habitants parlaient d'un ermite vivant dans les montagnes et qui descendait de temps en temps chasser avec des loups. La région étant relativement pauvre, les réseaux électriques fonctionnaient par intermittence. Donc inutile de compter sur les réseaux pour alerter les renforts. Et donc parfait pour une planque de longue durée.

Je descendis dans le village où certains l'avaient aperçu, prétendant être passeur et cherchant à passer la frontière par la montagne pour rejoindre le temple de réfugiés bouddhistes de l'autre côté. Comme ça, les cadavres que je transportais, avaient une histoire au cas où des indics le préviendrait. Malgré la prime, les Immortels parvenaient toujours à trouver des complicité parmi des crédules qui les prenaient pour des sorciers gourou ou autre marabout... La plupart ayant amassé des connaissances encyclopédiques connaissait notamment la médecine de survie par cœur. Ils échangeaient des soins contre de la nourriture ou des divertissements lorsqu'ils étaient seuls. Les binômes se risquaient moins à ce genre de pratique. Ils étaient plus rares, et extrêmement difficile à débusquer. Car généralement ils arrivaient à s'auto suffire à deux. Et la chasse et l'agriculture à deux était nettement plus facile et moins monotone. Parmi les solitaires, certains ne supportaient pas cette solitude et mourraient dans des coins reculés, ou en provoquant pour une dernière fois l'ensemble d'une meute de chasseurs de prime pour vivre une dernière fois. C'était le cas du célèbre Nemrod. Dans sa traque, il avait réussi à tuer une dizaine de chasseurs avant d'être grièvement blessé et quatre autres chasseurs sont morts pour avoir voulu le capturer vivant. Je lui ai mis une balle dans le cœur et une dans la tête. J'ai récolté un blâme de la guilde des chasseurs de primes et une suspension d'un an pour n'avoir pas respecté les règles de conservation de la proie. Mais je n'ai jamais eu aucun regret. La mort devient une délivrance lorsqu'on n'attend plus rien de la vie. En ce qui me concerne je chasserai ou serai chassé. Hors de question de finir dans un mouroir, grabataire à attendre qu'une auxiliaire daigne vous laver. 

Le jour, dans ce couloir enneigé finissait sa course, les ombres s'allongeaient. Le froid se faisait sentir à mesure que les lueurs du jour disparaissaient. Chaque recoin était avalé par l'obscurité. Et le chariot était toujours là entourée de cadavres. J'avais même déniché un cadavre de nouveau-né dans un crématorium que j'ai emmailloté avec le corps d'une femme. Les immortels ont des instincts humains voir cette scène leur rappelaient qu'ils avaient vécu enfant ou en famille, et le respect des morts les pousserait à venir pour enterrer ces corps. Sous mon camouflage, je sentais le gel petit à petit momifier mon sac de survie. Je ne déclencherai que les réchauds chimiques qu'en dernier recours. J'ai connu des hivers plus rudes. La nuit continuait à envelopper ce couloir. Enfin les premières ombres touchait le chariot. Je notai mentalement la position du coffre et je me concentrait sur la scène. La nuit serait rude mais s'il devait sortir pour récupérer quelque chose, il ne le ferait qu'à la tombée de la nuit. Le peu de lumière lui permettrait de faire une rapide sélection dans les livres dont les Immortels raffolent. La solitude rend dingue et la culture c'est tout ce qui leur reste pour savoir qu'ils vivent encore. Un jour, on a découvert dans la cachette de l'un d'eux une bibliothèque, une bibliothèque avec près de 4000 livres. Il voyageait beaucoup et subtilisait un livre à chaque fois chez des gens des institutions ou encore dans des bibliothèques de contrebande. L'accès à la culture était réglementée par les réseaux, les flux Médias avaient finis par supplanter les supports anciens notamment les supports physiques. Il fallait dorénavant un permis pour posséder un livre. Avec un coffre-fort de conservation. Le candidat devait connaître les 3 techniques de conservation du papier et les 6 moyens de recyclage. En attendant je scrutais le noir de la nuit qui recouvrait lentement le couloir. Le silence se faisait encore plus oppressant dans la nuit. Une véritable prison des sens avec le froid qui cristallisait la respiration au travers du masque, les masques de protection me permettraient alors de tenir trois bonnes heures avant d'avoir besoin de nettoyer la buée. J'ai toujours eu un sommeil léger et avec la chasse je ne dormais vraiment que d'un œil. Le moindre instinct me réveillait pendant la nuit. Les yeux fermés, la respiration de l'air ambiant se calait à un rythme de repos afin de ne pas déranger la nature.

Dans ma respiration l'air ambiant fut tout à coup troublée. Je me réveillai dans la nuit noire. Attrapant une lunette de vue, je scrutai dans la direction de la caisse. La vision nocturne me permettait d'y voir comme en plein jour. Mais il fallait économiser la batterie, je ne l'utilise que très rarement. J'allumai mes jumelles et je vis une silhouette sur deux jambes, comme deux pattes. Il fouillait dans le chariot. Sa tête recouverte d'une voile, une épaisse fourrure entourait son corps. On aurait presque cru voir un ours. J'essuyai le percuteur malgré la fiabilité du matériel, j'eus toujours des rituels inconscients. J'ajustai ma lunette de visée sur la tête. Je préférais la gorge car les dégâts étaient assez nets pour le recyclage. Je n'aurais qu'une seule chance. Les Immortels étaient des magiciens de la disparitions. Capable de tromper votre intelligence le tout sous vos yeux. Ici la cible ne bougeait pas des masses. Sa démarche était assez maladroite imitant parfaitement le comportement d'un ours. Mais je ne comprenais pas autant de prudence, face à ce trésor culturel. Puis la légèreté d'un doute flotta ce qui me poussa à vérifier ma cible. La lunette de visée se focalisa au maximum et je réglai l'atténuation du bruit et la luminosité, jusqu'à obtenir une image nette. Je l'eus de dos, puis j'éteignis le mode sécurité et le mis en joue. Le doigt sur la gâchette dans un fourreau qui servait également de silencieux, j'attendais lentement qu'il daignât se retourner. Puis il se baissa d'un coup. Je réajustai ma lunette vers le bas, mais mon instinct  primitif me dit de me protéger. J'eus à peine eu le temps de me protéger. Le canon de mon fusil dévia la première frappe de l'immortel. Il était là. Il avait réussi à s'approcher d'aussi près et avait envoyé un leurre sur le chariot pour me confondre. Il avait une sorte de Tomahawk, qui s'abattait à nouveau sur moi. J'ai pu encore la dévier grâce à la crosse de mon fusil. Mes membres avaient du mal à réagir j'étais resté trop longtemps dans la même position dans le froid. Mon fusil désormais était inutile brisé au bout de la crosse. Le premier coup avait tordu le canon. Je reculai évitant le Tomahawk qui s'enfonça dans la neige juste après mon passage. Malgré mes raideurs, mes réactions étaient assez rapides pour me mettre hors de portée de ses coups. J'attrapais ma matraque télescopique dépliant dans son cliquetis reconnaissable. Il me lança son arme de toutes ses forces. Je pus parer avec la matraque qui se plia sous la force du choc. Il fouilla dans sa peau d'élan puis sorti une machette d'une taille impressionnante. Je décidai de reculer rapidement en fouillant dans mon manteau, j'attrapai mon taser pour animaux sauvages. Dans le même temps je courrai vers un point refuge que j'avais sécurisé. Hors d'haleine il me restait encore une vingtaine de pas avec un immortel à mes trousses qui lui avait l'habitude de faire de la chasse sous la neige. Le taser se chargeait lentement à cause du froid. Et le reste de mon arsenal n'était pas encore à portée. Dans ma course je vis ce que j'avais cru être un immortel au bout de ma lunette. Un ours d'hiver avec une cape que l'immortel lui avait confectionné. Il courrait également à ma rencontre. Mais lui était plus rapide. Il avait parcouru en quelques secondes la distance qui nous séparait de mon guet a pend. Il fonça droit sur moi, le bip de mon taser me signifiât qu'il venait de se charger et je tirai sur l'ours qui s'effondra sous la décharge électrique. Je me retournais, il était là. J'étais désarmé, mais il me restait encore une carte à jouer. A travers son masque, je ne vis pas son visage, tandis que son souffle avait gelé une barbe autour de sa protection. La coupe de la fourrure était nette et bien travaillée. Il portait du rembourrage à peu près partout. Heureusement qu'on était en hiver, s'il n'avait eu toutes ces protections je serais probablement mort. Mais la position où j'étais cette réflexion était triviale. Je m'étonnai à sourire de l'ironie de cette situation. Il a du prendre ma réflexion pour de la moquerie, il pointa sa machette pour me déchirer l'épaule droite. Je criai mais demeurai immobile semblant attendre mon heure. Puis il leva sa machette des deux mains signifiant ma mise à mort dans ce désert glacé. Lorsque la lame s'abattit, je l'esquiva d'un mouvement, et attrapa la prise de sa machette ainsi que sa lame. Il fut surpris. Je mis le pied dans un piège placé sous la neige par mes soins. La décharge nous foudroya tous les deux passant par sa lame. L'éclair passé, nos deux corps tombèrent dans la neige tandis qu'un fin linceul recouvrit nos deux corps perdus dans cette immensité glaciale.

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